Décès de l’Écrivain Albanais Ismaïl Kadaré à l’Âge de 88 Ans
L’écrivain albanais Ismaïl Kadaré, célèbre pour son œuvre monumentale sous la tyrannie communiste d’Enver Hoxha, est décédé lundi matin à l’âge de 88 ans des suites d’une crise cardiaque à l’hôpital de Tirana.
Une Vie Marquée par la Littérature et l’Exil
Ismaïl Kadaré, né en 1936 à Gjirokastër, a consacré sa vie à la littérature, utilisant ses écrits pour critiquer les régimes totalitaires tout en naviguant prudemment dans un environnement politique oppressif. En 1990, il a demandé l’asile politique en France, fuyant la répression en Albanie.
Un Paradoxe Littéraire
Kadaré a longtemps incarné le paradoxe d’un écrivain reconnu mais persécuté. Bien que ses œuvres soient publiées en Albanie, elles étaient souvent censurées ou interdites. Ses compatriotes se précipitaient néanmoins pour les lire, donnant à ses livres une valeur particulière. Il a déclaré : « Si tu fais confiance à la littérature, rien qu’à la littérature, elle sera ta protection céleste. Il ne peut rien t’arriver. »
Distinctions et Reconnaissance Internationale
Lauréat de nombreux prix prestigieux, dont le Man Booker International Prize en 2005 et le Prix Prince des Asturies en 2009, Kadaré a été régulièrement pressenti pour le Prix Nobel de littérature. En France, il était membre associé de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1996 et commandeur de la Légion d’honneur depuis 2015.
Œuvre et Impact
Kadaré a débuté sa carrière littéraire à Tirana avant de poursuivre ses études à l’institut Gorki de Moscou. Son premier recueil de poèmes a été publié par un éditeur russe, bien que accompagné d’une préface critiquant l’influence occidentale. En 1963, il publie son premier roman, « Le Général de l’armée morte », qui raconte l’histoire d’un officier italien cherchant à récupérer les corps de soldats morts en Albanie.
Son œuvre a souvent exploré les thèmes de la tyrannie et de la résistance. « Le Palais des rêves » (1982) décrit un régime dictatorial où les rêves des citoyens sont surveillés. « La Pyramide » (1992) raconte l’histoire d’un pharaon réticent à construire une sépulture grandiose.
Engagement Politique et Retour en Albanie
Après la chute du régime communiste, Kadaré est retourné régulièrement en Albanie tout en maintenant son domicile à Paris. Il a continué à publier, révisant ses œuvres antérieures et écrivant de nouveaux romans. Dans les années 90, il s’est engagé pour la cause des Albanais au Kosovo, critiquant vivement la Serbie.
Publications Récentes et Héritage
En 2015, il a publié « La Poupée », un hommage à sa mère, suivi en 2017 par « Matinées au Café Rostand », un recueil de textes écrits entre la France et l’Albanie. Son dernier roman, « Disputes au sommet » (2022), reconstitue une conversation téléphonique entre Staline et Pasternak lors de l’arrestation de Mandelstam.
En 2020, la collection Bouquin (Robert Laffont) a réédité « Le Crépuscule des Dieux de la steppe » et le diptyque « Le Temps des querelles », offrant aux lecteurs français une version originale des textes, censurés à leur sortie en Albanie.
Ismaïl Kadaré laisse derrière lui une œuvre riche et puissante, marquée par une profonde analyse politique et une exploration des mythes et légendes. Son décès marque la fin d’une époque pour la littérature albanaise et mondiale.